Lorsqu’on se fait mal, le premier réflexe est de frotter l’emplacement douloureux et de se masser. Il est naturel de poser la paume de sa main sur une partie souffrante de son corps. Une mère frotte instinctivement la zone corporelle où son enfant s’est cogné. L’origine des thérapies manuelles remonte aux premiers souffles, aux premiers gestes. On considère ces thérapies comme les plus anciennes formes médicales de l’humanité. Le passage du toucher instinctif à des techniques plus élaborées se perd dans la nuit des temps. Ces thérapies sont communes à toutes les civilisations, qu’elles soient reboutage, massage, magnétisme ou qu’elles empruntent à chacune d’entre elles.

Les disciplines paramédicales telles que la kinésithérapie, l’ostéopathie ou la chiropraxie découlent toutes de ces pratiques empiriques et instinctives.

Le Japon ne fait pas exception à la règle; l’ancêtre des médecins, le dieu « Sukuna Hikona » dans les temps les plus lointains guérissait déjà les malades avec ses mains. Aux techniques thérapeutiques de l’archipel sont venues au 6ème siècle s’ajouter les techniques du « Kampo » la médecine chinoise élaborée sur le continent.

Dés l’an 701 est mentionné le massage « anma » dans les textes officiels.

Au début du 20ième siècle, on ne compte pas moins de 300 styles de thérapies manuelles portant toutes des noms différents, bien que parfois très proches. C’est dans les années 1920 qu’apparaît pour la première fois le terme de » Shiatsu « . Autour de cette nouvelle appellation vont se fédérer des courants variés.

Séance de Moxa

Séance de Moxa

La paternité de ce nouveau nom revient au thérapeute et enseignant Tamaï Tempeki qui aux alentours de 1915 est le premier à rompre avec les terminologies habituelles en baptisant sa thérapie du nom de shiasu (pression digitale). Il publiera son troisième livre de shiatsu en 1939 sous le titre de » Shiatsu-Hô » (la technique de pression digitale). Personne ne sait qui fut l’enseignant de Tamaï Tempeki, il semble pourtant que son travail découle directement de « l’Anpuku Zukaî », ouvrage illustré paru en 1827 sous la plume de Ohta Jinsaï un moine bouddhiste.

En 1925 est publié un livre qui restera mythique, le « Jissaîteki Kango No Hiketsu » (le secret des soins quotidiens) plus connu sous le nom de « Akahon » (le livre rouge) de Tsukuda Takichi. Le livre est remanié en 1929 avec pour la première fois l’introduction de dessins et d’explications sur le shiatsu.

Namikoshi Tokujirô (1905-1999) originaire de l’ile d’Hokkaîdo où il exerce sa thérapie sous le nom d’Appaku-Hô trouve le terme de shiatsu plaisant et comme beaucoup d’autres reprend cette terminologie. Il finira par s’installer à Tokyo et fonder en 1940 son école qui deviendra trés populaire, la « Nippon Shiatsu School ». En soignant l’actrice Marilyn Monroe de visite dans la capitale, il bénéficiera à partir des années 1950 d’une publicité inégalée et fera connaître le shiatsu dans le monde entier.

En 1953 invité par l’association américaine de chiropraxie, il fera une tournée de démonstration dans toute l’Amérique du nord.

Séance Shiatsu

Séance Shiatsu

En 1968 Namikoshi Tokujirô estimait à plus de 100 000 le nombre de séances de shiatsu qu’il avait dispensées et à 20 000 le nombre de thérapeutes formés par son école. il est certainement l’artisan majeur de la reconnaissance du shiatsu au Japon comme dans le reste du monde.

A partir de 1946, sous prétexte de modernisation, l’occupant américain sous la conduite du Général Mac Arthur s’attaque à la culture traditionnelle du Japon. En 1947 sous la pression, le gouvernement promulgue une loi interdisant toutes les pratiques médicales autres qu’occidentales, les thérapies manuelles ainsi que l’acupuncture sont interdites, les thérapeutes ont un délai de huit ans pour changer de métier. De nombreux aveugles Japonais ne peuvent survivre que grâce aux thérapies manuelles; le combat que mène l’américaine Helen Keller en leur faveur fait reculer Mac Arthur.

En 1955, après huit années d’enquête et d’évaluation des méthodes de guérison, la loi de 1947 est finalement amendée et la pratique du shiatsu autorisée. Il faudra attendre 1964 pour que le shiatsu soit définitivement reconnu en temps que thérapie indépendante du massage.

Au début des années 1970, Wataru Ohashi implante la première école en Occident et se fait remarquer en soignant les dirigeants du parti démocrate à Washington, le boxeur Mohamed Ali, le danseur étoile des ballets New Yorkais Yvan Nagi, Henry Kissinger ou encore Lisa Minnelli.

Très médiatisé, il est l’artisan de l’expansion du shiatsu dans les pays anglo-saxons comme dans de nombreuses parties du monde. En 1976, il publie « Le Livre du Shiatsu », puis en 1977, avec l’aide de son élève et assistante Sasaki Pauline, il traduit « Zen Shiatsu » de Masunaga Shizuto faisant ainsi connaître le centre de shiatsu « Iokaï » dans tout l’occident.

En France, avant la deuxième guerre mondiale, le shiatsu bien que confidentiel est déjà présent autour de Sakurasawa Nyoichi né en 1893, plus connu sous le nom de Georges Osawa. Il habite 10 ans en France et collabore avec Georges Soulié de Moran. Il fut l’ami d’Albert Schweitzer auprès de qui il séjourna en Afrique. Il se déplaça à de nombreuses reprises dans l’Est de la France et en ces occasions fit profiter ses amis de ses talents en shiatsu.

Dans les années 60, le shiatsu se pratiquait dans le milieu des arts martiaux et de l’alimentation macrobiotique.

Dans le début des années 70, le kinésithérapeute Thierry Riesser est certainement le premier français à s’installer professionnellement dans la pratique du shiatsu thérapeutique et à proposer une formation professionnelle.

En Mai 1997 la résolution ( A4-0075/97) est votée par le Parlement Européen, le shiatsu est mentionné comme faisant partie des 8 « médecines non conventionnelles dignes d’intérêt » en même temps que l’homéopathie, l’acupuncture ou l’ostéopathie.